jeudi 28 février 2008

Bonsoir,


Voici donc ce qui s'est passé pour moi mercredi et jeudi.


Mercredi matin, j'étais partie pour me faire une grasse matinée étant donné que Widodo m'avait dit qu'il partait avec sa femme pour la journée entière. Mais j'avais mal compris, c'était en fait jeudi. (ici, ils disent « demain » pour parler de l'avenir... et moi j'avais compris demain, vraiment demain, quand il m'en a parlé mardi).


Donc bref, du coup il est venu me réveiller et on a travaillé.


On s'est mis à la manipulation de Sita et Rama. Grand moment. Je rentre vraiment dans le vif du sujet.


Le midi, je suis retournée voir le cours de musique à l'école, puisque là aussi j'avais mal compris, c'est mercredi et non pas mardi.


(Ne vous tracassez pas si vous ne comprenez rien dans les dates, je ne comprends pas beaucoup plus que vous !)


Puis l'après midi, Widodo a fait venir son copain qui fabrique les marionnettes et il fallait que je choisisse maintenant tout de suite les marionnettes que je voulais acheter parce qu'il a besoin d'1 mois pour construire. Il a donc fallu que je me décide, que je choisisse les modèles, les couleurs, si je voulais changer certaines choses sur certains détails etc... Pour le moment, je m'en tire pour 600 euros. Mais je pense que ça ne va pas s'arrêter là.


Le soir (toujours mercredi donc), on a encore travaillé Rama et Sita en ajoutant l'utilisation du Cempala (vraie orthographe, prononcer tchampolo, ce que j'avais écrit la dernière fois) et du keupra (plaques de métal accrochées sur la paroi de la grosse boite à côté du dalang, sur lesquelles on frappe du pied pour faire du bruit). En plus de tout ça, on a ajouté aussi les voix des personnages. En gros, là, ayé, j'ai tous les ingrédients de la représentation : manipulation, musique, chant, dialogues, cempala, keupra...



la grande boîte, le keupra sur la paroi et le Cempala par terre





Widodo avec dans l'ordre : Lakhmana (frere de Rama), Hanuman, Rama



Du coup, je me suis bien amusée à faire les voix ! Surtout que je parlais en français donc je pouvais dire n'importe quoi, ils comprenaient pas ! Facile l'impro dans ces cas là !


Ensuite, jeudi matin, aujourd'hui donc, Widodo et sa femme m'ont déposée à Solo. Je devais aller à la banque (pas possible de changer de l'argent à Wonogiri) et du coup, j'en ai profité pour voir Marie, une des deux française que j'ai rencontrée. On a mangé ensemble et bien papoté, c'était sympathique. Ca m'a fait du bien et de parler français, et de parler de tout ce qui se passe ici. Prendre un peu de recul ne fait pas de mal.


Je suis rentrée de Solo en bus, toute seule, comme une grande. Ca fait du bien de se retrouver un peu seule aussi, mine de rien. Il pleuvait, comme tous les jours depuis que je suis arrivée.



les rizières à étages, le retour avec la pluie



dans la rue à Solo



Le programme des jours à venir ? Retravailler Rama et Sita, Angkot et Hanuman (j'en suis à 20 min de « spectacle » en tout, si on met tout à la suite) et samedi soir, à nouveau une nuit de Wayang, à Sukoharjo cette fois.




mardi 26 février 2008

Bonsoir,


Promis, je vais essayer de faire plus court que la dernière fois. Même si ça va être difficile parce qu'il ne cesse de se passer des choses capitales pour moi en ce moment.


Hier, on est allé visiter plusieurs fabriques de marionnettes notamment pour que je commence à réfléchir à celles que je vais acheter. Moments de complicités avec Widodo. Je commence à cogiter fortement à mon spectacle au retour. On est reparti sans marionnettes mais j'ai tout de même acheté un Tchampolo (outil pour cogner dans une boite pour diriger l'orchestre), MON tchampolo. Un geste symbolique pour moi.



Widodo au milieu des wayang, et le peintre en pleine action





mon tchampolo, c'est celui du milieu. Bon choix non ? et pour la couleur, j'hésite... vous en dites quoi ? j'peux demander n'importe quelle couleur en fait.



J'ai donc aussi vu l'étape de découpage de cuir, de peinture... plein de choses. Et j'ai même acheté aussi un jeu de poinçons pour ramener en France.


L'après midi, on a travaillé encore la musique. J'ai touché à 5 instruments en tout maintenant, et 3 ou 4 musiques différentes. Ce n'est que du jeu de rythme, il faut se laisser entraîner dedans.


Et le soir, on est allé voir une création contemporaine utilisant le wayang kulit. C'était à l'Institut Culturel National de Solo. En gros, c'est une école nationale, une sorte d'université des arts, et là, il y avait un spectacle qui mélangeait élèves et professeurs. Je me suis retrouvée dans une salle de théâtre comme en France. J'avais oublié comment c'était ! Le spectacle en lui même ne m'a pas super plu. Trop de technique, trop moderne à mon goût.



Avant et après le spectacle, on est allé rendre visite au grand monsieur important que j'avais vu le premier jour (sisi ! Souvenez vous ! Dans le bureau ! très impressionnant !). Encore une fois, avant de me trouver en face de lui, je ne savais pas qu'on venait le voir. Grande spécialité de Widodo de rien me dire.


On a discuté un peu, m'a fait chanter ce que j'avais appris, et m'a parlé spiritualité. Il m'a dit que je devais sentir les forces qui entrent en moi lorsque je joue du wayang.


En fait, ce que je ne savais pas, c'est que ce bonhomme, en plus d'être président de la Région, il est aussi Dalang (marionnettiste). Et un bon, un grand, apparemment.


Il m'a demandé d'entrer dans une pièce, avec Widodo (la femme de Widodo nous a attendu dehors). Il voulait me montrer quelque chose. J'ai essayé de suivre ce qu'il s'est passé mais j'ai eu du mal. Il a demandé à Widodo de verser de l'eau dans un verre, il a prononcé mon prénom devant, a soufflé sur l'eau et m'a dit ensuite de boire. Je me suis exécutée.


Ensuite, il a pris la main de Widodo, a placé l'autre main d'une certaine manière et a demandé à Widodo de fermer les yeux. Il a secoué les mains et jeté celles de Widodo en l'air. Ensuite, il a parlé, parlé, parlé... je voyais Widodo bouger, le visage étrangement rempli d'émotion. A la fin, le grand monsieur lui a dit de se réveiller et hop ! Widodo a ouvert les yeux. « euuuh la ! qu'est ce que je fais là ??!!! » j'ai pensé. Puis il s'est mis devant moi et j'ai compris que j'allais vivre la même chose. Gloups.


Je pense que j'ai vécu un moment d'hypnose. En fait je ne sais pas très bien. Mais j'ai vu mon corps bouger alors que je ne le commandais pas. Mais je ne me sentais pas prisonnière pour autant.


Enfin bref, toujours est il qu'il m'a réveillée, qu'il m'a dit que je devais toujours sentir ça quand je joue. Que la spiritualité fait tout, que le Wayang c'est avant tout ça.


Et quand il est sorti de la pièce, on s'est regardé déboussolés avec Widodo. Il m'a confié ne pas avoir compris ce qu'il s'est passé, « moi non plus » lui ai-je répondu. Moment de complicité. Là, à cet instant, j'ai senti que Widodo allait devenir vraiment mon maître. Et pas seulement pour apprendre à gigoter les marionnettes.


Je pense que le geste du vieux monsieur était, symboliquement, de confier à Widodo la tâche de m'enseigner le Wayang. Je l'ai interprété comme ça.


On est rentrés en voiture ensuite, et je me sentais bien avec Widodo et sa femme. On rigolait. Même avec la contrainte de la langue, on arrive à instaurer une vraie complicité. Ils m'appellent « 'cile », et non plus « Cécile ». Utiliser un diminutif est signe d'affection chez eux.


Non seulement un Maître, mais aussi un ami.





paysages magnifiques, et gamins qui courent à 6h du matin (juste pour le plaisir de courir !)



En dehors de tout ça, j'ai rencontré deux françaises lors des soirées Wayang dont une que j'ai vue plusieurs fois avec qui j'ai déjà pas mal discuté. Elle reste 2 mois aussi, mais pour étudier le Gamelan (musique). L'autre s'en va malheureusement dans 15 jours. Mais elle fait une fête pour son départ et m'a gentiment invitée pour qu'on fasse connaissance, même si elle s'en va bientôt. Je pense que j'irai. Ça me fera du bien de parler français un peu.


Ce matin, on a bossé la musique. Encore et toujours.

Ce midi je suis retournée voir le cours de musique à l'école.

Cet après midi, je me suis achetée une carte pour mon téléphone. Pour qu'ils puissent me joindre, et vice versa.


Au passage, je bénis le conservatoire pour tout ce que j'ai appris là bas. Notamment les cours de chant et musique : je les applique aujourd'hui, c'était donc loin d'être vain ! J'y pense beaucoup à ce conservatoire, à ce qui s'est enclenché là bas pour moi, aux envies que ça m'a donné.


D'ailleurs, en ce moment je suis plongée dans le livre de Zeami à propos du théâtre Nô (cf. tout premier message de ce blog). J'y puise mes forces. Plus que de m'aider à tenir, il me fait m'envoler.



dimanche 24 février 2008

Bonsoir,


Résumé des 3 derniers jours :


Jeudi soir, nous sommes retournés voir du Wayang toute la nuit. Cette fois-ci, au Centre Culturel de Solo. Ambiance différente de la première fois. Plus studieux, moins rigolard. Le dalang était meilleur sur les voix des personnages, égalait le premier en manipulation, et la musique était meilleure aussi que l'autre jour. Malheureusement, tout comme la première fois, c'était le Mahabharata qui était représenté... donc, j'ai du mal à suivre. Mais Widodo est là, à côté de moi, à m'expliquer chaque chose, à me préciser si ceci ou cela est traditionnel, la musique, la manipulation, les marionnettes, les voix... Un vrai Maître qui est présent, qui m'accompagne dans ma découverte.




devant, derrière






la nuit avance... vers 2h...



Rentrés dans la nuit à 4h, vendredi matin nous nous sommes mis à travailler à 10h. Toujours manipuler les singes. Toute la journée. On est arrivés au bout de la petite boucle qu'il voulait m'apprendre. En la jouant en entier, ça dure 6 minutes. J'essaie de me souvenir de tous les katas (et oui, ici aussi, on appelle ça des katas), m'efforce à rester dans les lignes tracées mais il me dit que, maintenant au point où j'en suis, je peux m'amuser à improviser. « imagination full », comme il dit !


Du coup voilà, j'en suis là. Après un peu plus d'une semaine de boulot, il va falloir que je me détende, que je commence à relâcher toute la technique et laisser aller l'amusement. C'est normal je suppose : dans tout apprentissage, on connaît ces deux phases.


Le soir venu, on a travaillé la musique. Ce qu'il m'avait expliqué de la notation l'autre jour est plutôt bien rentré. Du coup, on va plus loin. Il m'explique comment on joue concrètement ensemble. Quel instrument il faut écouter, car il donnera les « ordres » (plus vite, plus lent). Widodo me dit de me mettre à un instrument, il se met à un autre. Puis arrive Wahyu, le fiston, qui se met aux percussions, puis le beau-frêre qui se met aux gongs, puis le grand-père qui se met à un autre xyllphone, et enfin... Hana, la petite, qui se met aussi à jouer. Finalement, y'a un vrai petit orchestre à la maison ! C'est rigolo cette ambiance. Ca se fait naturellement. Widodo ne demande rien mais ils viennent d'eux mêmes quand ils entendent la musique.


Je sens qu'ils sont contents, flattés, fiers, qu'il y ait quelqu'un qui vient étudier, comprendre leur quotidien.


La journée de samedi a commencé avec une grosse pensée pour ma famille. Même s'il fallait que la journée soit « comme les autres » pour moi, ça ne l'était pas. J'étais avec vous tous. J'ai malgré tout travaillé, comme d'habitude.


Samedi matin, on a encore manipulé. J'ai envie que ça se pose, que ça s'ancre. Donc je fais, refais, et refais encore. Il est derrière moi, assis, il me laisse faire, me corrige, m'explique des petites choses, parfois ne dit rien. Le maître veille.





derrière du kayon



En début d'après midi, Widodo me dit qu'à l'école juste à côté il y a un cour de musique maintenant, que si j'ai envie d'y aller, je peux. Ok. Je prends mes chaussures (je vis pieds nus depuis 1 semaine quasiment...) et je file. Ambiance très touchante. Ecole de campagne où les enfants apprennent évidemment les matières générales mais aussi la musique, la danse, le théâtre (je crois...). C'était l'équivalent d'une école primaire, avec des enfants entre 6 et 10 ans en gros.

Je me suis assise dans un coin et j'ai regardé. Certains se débrouillent très bien, d'autres pataugent. Le vieux professeur est un monsieur étonnant. Ca n'arrête pas de crier dans son cours, ça parle, ça rigole, ça joue... et lui, il continue tranquille ce qu'il a à dire ou à faire. Et finalement, ça marche plutôt bien. Quand il faut se mettre à jouer, hop ! Tout le monde s'y met !

Évidemment, j'ai été reçue en grande pompe : thé, gâteaux dans la salle des profs. Ils sont marrants à être prévenants comme ça.



enfants à l'école



Puis l'après midi, manipulation, encore et toujours.


Le soir, on est allés voir encore du Wayang pendant toute la nuit (ouioui, un jour sur deux !). Cette fois-ci, à Klaten, une ville à 1h de route à l'ouest de Wonogiri. On a traversé les campagnes pour y aller. Les montagnes sont belles ! Incroyable ! Elles ne ressemblent ni à nos montagnes des Alpes, ni à celles du Massif Central... c'est plutôt un entre-deux. Montagnes sauvages. Même en pleine nuit, j'arrive à les admirer (pleine lune aidant...).


Encore différent, cette fois-ci, c'était du Wayang traditionnel. Encore le Mahabharata malheureusement (et toujours le même épisode en gros... étonnant !). Ah oui, d'ailleurs, ça me fait penser que je n'ai pas préciser sur 7h de représentation, ils ne jouent qu'un épisode ! Et oui ! Je ne sais pas s'ils jouent parfois entièrement une épopée mais ça doit être impressionnant à vivre ! Une semaine j'imagine !


Widodo m'a encore expliqué plein de choses, sur la différence entre traditionnel et « contemporain » (qui reste quand même un art traditionnel). Les marionnettes qui jouaient dataient parfois du 19è voir du 18è. Forcément moins colorées que d'habitude, elles n'en étaient pas moins aussi jolies.


Mais la grosse différence entre contemporain et traditionnel, c'est le rapport au temps. J'avoue que pour moi c'était difficile à tenir. Ils étirent tout. Les musiques d'introduction pour une scène (qui d'habitude dure 1 ou 2 min) peuvent durer jusqu' 15 min ici. Pareil pour une scène de discussion qui va durer 40 ou 45 min... et moi je ne comprends pas quand ils parlent ! Ou encore des chants qui durent, durent.... dur dur. Je pense que je ne connais pas encore assez bien le Wayang Kulit et tous ces codes pour pouvoir apprécier. Il est certain que ça doit être très beau, mais quand tu n'as pas les clefs pour déchiffrer, ben tu t'ennuies, tout simplement. Et s'ennuyer à 3h du matin, ça ressemble fortement à s'endormir.


Mais j'ai tenu bon. Ca s'est finit à 4h15. Une bonne heure de route, un arrêt au passage dans une mosquée pour que Widodo fasse sa première prière du matin, un petit déjeuner dans un « restau » au bord de la route (petit déj salé bien évidemment), et hop ! Au dodo !



exemple de bouffon


Et aujourd'hui, je me suis pris la liberté de dormir toute la matinée. Quand on se couche à 6h30, ça me paraît indispensable. L'après midi, on a continué la manipulation des deux singes et on a ajouté le Kayon. Widodo avait installé la lumière. Première fois avec lumière.





Widodo et Hana



Hier soir quand on regardait le Wayang, je me baladais par-ci par-là, pour changer d'angle de vue. Et j'ai été très surprise (au début) et agacée (à la fin) par tous les regards sur moi. Première fois que je ressens ça. D'habitude, quand les locaux voient une occidentale, ils me lancent un « hello ! » accompagné d'un sourire. Là, pas un sourire, plutôt des regards de curieux. C'était pas agréable du tout de se faire dévisager. C'est vrai que je m'en rends pas compte que je suis « blanche » au milieu d'eux, que je dépareille. Franchement, depuis plus de 3 mois, j'ai eu le temps de m'habituer à leur visage (je crois même avoir oublié ce que c'est que de se promener entourée d'occidentaux). Et du coup, j'oublie que pour eux, mon visage n'est pas commun. Mais n'empêche qu'hier je me suis vraiment sentie « agressée ». Je me suis imaginée ce que pouvait parfois ressentir un homme de couleur en France.


Ah oui, j'oubliais ! Widodo m'a appris qu'il allait jouer le 9 avril prochain et il veut que je joue en « première partie ». Euh... wow ! Je lui ai dit que je trouvais l'idée super mais que faut que je bosse bien, que je veux pas montrer n'importe quoi. On a encore le temps d'y réfléchir me direz-vous...


jeudi 21 février 2008

Bonsoir,


Cela fait maintenant 6 jours entiers que je suis ici. J'ai appris déjà des milliers de choses.


Avec Widodo, on a convenu de travailler 2h le matin et 2h l'après midi. Ca peut paraître peu pour beaucoup d'entre vous mais en fait, ça, ce sont les moments où l'on pratique vraiment à fond. Essayez de garder les bras en l'air et de manipuler des marionnettes pendant 2h affilées et on en reparle ensuite !


En dehors de ces 4h convenues, en fait, on travaille ! Widodo est tellement content de me montrer plein de choses qu'il n'arrête jamais ! Il me raconte des choses, me montre la musique, on regarde des dvd... ça n'arrête pas.


J'adore, je suis complètement embarquée dans cet univers. Mais il est vrai aussi que je sens que je vais pas pouvoir tenir 2 mois à un tel rythme. Je ne suis jamais seule, je n'ai pas 1h pour souffler, penser ou faire autre chose... Il va falloir que je me trouve un équilibre pour avoir le temps de digérer tout ce qu'on me donne ici.


Widodo n'arrête pas de me répéter « for you, no problem ! ». Il me dit que je me débrouille très bien. Du coup, on avance très vite. On a déjà appris 2 chants (courts), touché à 3 instruments, et en manipulation abordé 4 combats entre singes. Sans parler de toutes les discussions au cours desquelles j'ai rempli mon cahier d'une dizaine de pages de notes.



la notation de la musique (et là y'a que 4 instruments de noté ! peut y'en avoir jusqu'à 20 !)


Ce soir, on va revoir du Wayang pendant toute la nuit. Cette fois-ci, ce sera à Solo (1h de route d'ici). J'espère que ce sera aussi bien que dimanche soir, que ce n'était pas juste une exception.


Sinon, pour raconter autre chose que boulot simplement : ici il pleut. Mais pas autant que je croyais. Simplement des averses comme on a parfois en été chez nous. Pas méchant. Même plutôt agréable. Mais même lorsqu'il ne pleut pas, il ne fait pas trop chaud. Pas vraiment de soleil, peut être pour ça. Enfin en tous cas, j'aime bien ce temps moi ! Au moins on n'étouffe pas.


Hier en fin de journée je suis allée me balader un peu. J'aime beaucoup le coin où ils vivent. Il y a plein de montages alentours (région du Mont Mérapi oblige), de jolies montages pleines d'arbres d'un beau vert. La région est donc vallonnée. C'est bien, ça change de tout ce que j'ai vu jusqu'à présent.



la campagne environnante, la terre rouge magnifique




les maisons traditionnelles, les chèvres dans leur étable...




situation improbable mais bien réelle ! espérons que ça porte chance.



Leur maison n'est pas une maison typique javanaise. Elle ressemble plutôt à une maison comme chez nous (maison coloniale pour eux). Carrelage au sol, meubles qui ressemblent aux nôtres... Ce qui est rigolo, c'est d'avoir un bassin avec poissons quasiment dans la maison.





la maison vu de la route



La famille est donc composée de : Widodo le papa, Kianti la maman, Wahyu le fiston, Hana la fifille (clin d'oeil à Grégo), et puis aussi le père de Widodo qui vit dans une partie de la maison qui pourrait s'apparenter à..... un garage. La maison voisine est habitée par la soeur de Widodo. Il y a aussi la mère de Kianti qui est souvent là mais j'ai pas encore bien compris où elle habite ! Et puis sinon y'a aussi une jeune fille qui est là pour s'occuper des enfants, faire à manger, la lessive etc... Enfin bref, vous l'aurez compris, c'est une grande famille et y'a toujours du monde de passage dans cette maison.


Niveau repas, c'est vraiment bon. A base de riz, comme partout ici en asie, mais pas seulement. Le grand truc ici ce sont les beignets. Y'a des beignets de tout : de poulet, des oeufs, de cacahuètes, de carottes, de pomme de terre... enfin bref, des « goreng », y'en a de toutes sortes.

Pour me faire plaisir je crois ils ont même acheté du fromage. Enfin, un semblant de formage qui n'est pas si mauvais que ça d'ailleurs !




toute la journée il y a à manger sur la table. chacun se sert comme il veut. exemple de "goreng".




le "fromage" local, le "nutella" local



Aujourd'hui, on a encore manipulé ce matin et l'après midi, on a chanté. On a revu les deux chants de l'autre jour. Je les ai presque. Juste quelques notes difficiles à entendre pour nos oreilles occidentales. Les notes ne sont pas les mêmes, les structures de musique non plus. Il faut s'adapter.


Lorsqu'on a vu la musique l'autre jour aussi, j'ai mit un peu de temps à comprendre tout ça. C'est tellement différent de notre système français. Dans l'idée, si vous voulez, un instrument ne peut pas jouer seul. Il est indissociable des autres. Ils créent la musique ensemble. Ce qui fait que quand vous lisez une « partition » (plein de chiffres, de signes dans tous les sens), vous devez lire que ce qui vous concerne mais c'est pas facile à trouver au milieu du reste ! Et quand faut jouer ben c'est pareil : faut écouter les autres et jouer avec eux. Exercice difficile pour moi mais très honnêtement, je m'en sors pas mal. Widodo m'a félicitée.


Bref, j'aurai des milliers de choses à raconter mais vous ne liriez peut être plus si c'était trop long. Donc, plus de nouvelles la prochaine fois !



mardi 19 février 2008

Bonsoir,


Dimanche soir, Widodo m'apprend qu'on va voir du Wayang. Je me réjouis, bien sûr ! Il me dit ensuite que cela va durer 7h. Je me dis que ça va aller, que j'ai déjà vu parfois plus long en France (...).


On s'apprêtait à partir quand on reçoit la visite de deux hommes dont l'un que j'avais déjà rencontré au mariage et qui m'avait paru un peu collant, fatiguant. Ils sont restés 1h30. Je me suis ennuyée comme c'est pas permis pendant qu'ils étaient là, et du coup je me disais « oulah, si tu n'arrives pas à supporter 1h30, les 7h de wayang vont être difficiles ! ».

Sur cette crainte, on prend la voiture et on s'en va pour la nuit.


Dès les premières minutes de la représentation, j'ai été certaine que je ne m'ennuierai pas du tout. Et effectivement, ça n'a pas été le cas. L'anecdote de la visite ennuyante, c'est pour vous dire que parfois, on s'ennuie plus en 1h30 de temps qu'en 7h. (au passage : « un temps paraît long lorsqu'il n'est pas juste »).


Par où commencer pour vous parler de cette nuit de théâtre d'ombres...... Il y a tellement de choses à dire. Je crois que ce soir là, j'ai senti que je ne m'étais pas trompée, que c'est vraiment du théâtre que je veux faire dans ma vie. C'est tout bête mais j'ai eu la preuve que le théâtre peut réunir les hommes et les rendre meilleurs entre eux.


Une citation au passage, qui m'accompagne depuis quelques temps, que j'ai souvent en tête :


« Pour que le théâtre vive, il faut qu'il apporte à l'Homme des raisons de croire, d'espérer, de s'épanouir ».

Jean Vilar


Pour vous donner une idée de l'ambiance des représentations ici : je me croyais à une sorte de fête de famille où le cousin Albert a préparé une chanson pour tout le monde, ou bien la petite cousine Chantal qui a écrit une scène de théâtre... et toute la famille rit, partage ce moment. Chacun peut intervenir comme il veut, les acteurs (ou le marionnettiste) ne sont pas réellement plus importants que les spectateurs. C'est un vrai moment de partage.


Toute la nuit on nous sert à manger (soupes, gâteaux, thé, riz, viandes, cacahuètes et... redbull en fin de représentation pour tenir le coup !) on peut s'asseoir par terre, se balader au milieu des musiciens, dormir dans un coin, fumer, discuter avec son voisin (oserais-je dire son prochain ?)...


A un moment, l'un des comédiens qui était pour animer, a demandé à Widodo et sa femme de venir. Ils ont joué ensemble, on parlé de plein de choses, sa femme a chanté (elle est chanteuse traditionnelle de métier). Je pense qu'ils sont réellement des gens importants dans la Région, tout le monde les connaît. Et puis évidemment..., ça devait arriver, on m'a dit de venir aussi. Ils voulaient que je chante aussi. J'ai décliné l'invitation. Mais j'y suis quand même allé pour discuter, raconter pourquoi j'étais là etc. Du coup après, toute l'assemblée savait qui j'étais et j'avais droit à des sourires et des « hello miss cécile! » de la part de tout le monde !





Widodo et sa femme, devant l'écran (où il n'y a personne en fait ! tout le monde regarde derrière)




l'intérieur et l'extérieur de la salle avec plein de monde qui regarde de l'extérieur du dehors


vers 3h du matin..., et le détail des nombreuses marionnettes plantées en file indienne sur le côté gauche de l'écran (pareil à droite)



Je ne crois pas pouvoir réellement bien décrire tout cela. Pas moyen de trouver les bons mots, il faut le vivre pour savoir.


En tous cas, ça m'a permit de (presque) balayer ce trentième kilomètre ! Ça m'a réconfortée, j'étais bien, en famille, dans une ambiance profondément altruiste.


En dehors de ça, je travaille. Encore et toujours. D'arrache pied. Je suis rentrée du Wayang à 5h du matin (à l'arrière d'une moto, vent de liberté en pleine nuit), j'ai dormi 3h et hop ! Au boulot !


Je travaille la manipulation, je m'exerce. Faire et refaire encore. Pour le moment, Widodo me fait travailler le combat entre Hanuman et Angkot, deux singes. C'est ce qui est le plus difficile donc lorsque je maîtriserai cela, j'aurai fait le plus gros.


Et puis je lis. Me suis plongée dans le Mahābhārata.


Et puis aussi aujourd'hui on a commencé le chant. Le dalang chante parfois pour introduire une scène. Il existe 3 types de chant :coléreux, calme, triste. Celui que je travaille fait partie de la deuxième catégorie.



Dans l'ensemble, je crois que Widodo est plutôt content de moi. Un rapport simple est en train de s'installer entre nous, où l'on peut se dire les choses sans prendre des pincettes.


Dans le Mahābhārata, j'ai lu une phrase qui me donne la « force de continuer » :


« L'aveugle ne sait ni comme il va, ni où il marche.

L'homme sans volonté est pire qu'aveugle. »

Varuda, Dieu de la Vertu



Voilà en gros : je ne sais pas vraiment où je vais mais j'en prends le chemin en tous cas.




dimanche 17 février 2008

Bonsoir,

Voilà donc 2 jours que je suis arrivée à Wonogiri, petite bourgade proche de Solo sur l'île de Java.

L'arrivée a été étrange. Aussitôt atterri qu'on me fait monter dans un gros 4x4 luxueux. Je n'ai aps trop compris où je débarquais.

Widodo est venu me chercher avec sa femme (très gentille, très prévenante), on est allé manger au restaurant et quand on est parti, je ne l'ai pas vu payer....... bizarre...

Puis hier, de bon matin, on s'est mis au boulot. Intensif. Il avait préparé un cahier avec des mots en anglais, ce qu'il allait me dire, pour rien oublier. Touchant. Il m'apprend tout. De A jusqu'à Z. Comment se passe la représentation, les personnages, l'histoire, la manipulation, les chants, la musique... Incroyable générosité.

L'après midi, je ne savais pas trop où on allait. Ils m'ont emmené voir quelqu'un, ça avait l'air très officiel. Ils m'ont fait entrer dans un grand bureau avec plein de monde autour d'un monsieur en costard cravate. On m'a fait asseoir, tout le monde avait l'air très respectueux du monsieur qui m'accueillait. Il m'a posé des questions, m'a demandé comment j'avais eu mon visa (sinon il m'en aurait fait un gratos là maintenant si j'ai bien compris !), il s'est intéressé un peu à moi. Je n'ai pas bien compris ce que je faisais là. Etrange.

Finalement, si j'ai bien compris, Widodo avait tenu à me faire rencontrer le président de la Region de Wonogiri. Donc oui, c'était un monsieur important.

Après, encore une fois, j'ai suivi sans savoir où on allait. Grande réception, très guindée, très réglée, traditionnelle, je comprenais rien. J'ai finit par saisir qu'on était en train d'assister à un mariage. Ca a duré quelques heures, le temps pour moi d'être bien plongée dans l'Indonésie traditionnelle. J'ai eu le temps d'observer. Des tas de rites particuliers.

Le soir ensuite, on a encore travaillé avec Widodo.



Widodo en démonstration du combat entre 2 singes, et l'écran : l'endroit où l'on travaille depuis 2 jours



un personnage du Mahabharata (autre épopée comme le Ramayana)


Puis aujourd'hui, on s'est remis encore au boulot ce matin. On discute beaucoup aussi. Il m'apprend beaucoup, on partage aussi pas mal.

Je vis donc chez lui, avec sa femme et ses deux enfants (dont une petite d'à peu près 6 ans, très mignonne). L'ambiance est très différente de tout ce que j'ai vécu pour le moment. Je mange avec eux à table, je dois aller me servir dans le frigo, faire comme chez moi. Il m'a clairement dit qu'il voulait que je fasse parti de la famille.

C'est ce que j'essaie donc de faire depuis 2 jours.

Leur maison étant au milieu de la campagne, il va m'être difficile d'avoir internet régulièrement. J'essaierai tous les 2 ou 3 jours d'aller à la ville d'à côté pour donner des nouvelles. Le rythme va donc changer ici aussi.

En tous cas, c'est en gros ce à quoi je m'attendais : un rapport au maître très présent, une vie de « disciple » tout en partageant une vie de famille et des discussions très ouvertes. Donc pour le moment, si vous vous le demandiez : oui, ça se passe bien.


vendredi 15 février 2008



Bonjour !



Juste pour dire : je suis à l'aéroport, j'attends mon avion tranquillement.

Voilà, juste pour que vous soyez au courant quoi.

Je donne des nouvelles dès que je peux ensuite.

jeudi 14 février 2008

Bonsoir,


Résumé des trois derniers jours : dormir, se promener, aller chercher le visa, se promener, dormir, se promener, dormir, se promener dans des centres commerciaux, dormir, se promener dans la seule librairie française de la ville, dormir, visite à l'Alliance Française, dormir, faire de la lessive, dormir, écouter de la musique, prendre le plus de métros ou de skytrain possibles par curiosité, dormir.......


Bon vous l'aurez compris, je me suis reposée.



chinatown, les embouteillages, la ville quoi...




le skytrain, le centre commercial Suria à KLCC (impressionnant !)



Voilà, on y est. Demain, je prends mon avion direction l'Indonésie, mon dernier pays. J'atterris à Solo (ou Surakarta, deux noms pour une même ville) en fin d'après midi. Le maître qui m'accueille chez lui pendant 2 mois m'attendra à l'aéroport. Son nom ? Widodo Willis. (allez-y pour les blagues sur bruce willis... faites le maintenant, comme ça, ça sera fait !).


J'avoue, j'ai hâte d'être à demain. Parce que je ne sais absolument rien de l'endroit où je vais. Je sais même pas si je serai dans une ville ou en campagne. Je ne sais pas si j'aurai accès à internet. Grosse différence avec tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent : je vais vivre chez lui. Finit l'indépendance et la possibilité d'organiser mes journées comme je veux. Donc ça peut aussi changer des choses concernant ce blog. J'en sais rien à vrai dire.


J'avoue, aussi, que c'est un peu dur là. Grégo m'a dit que sur un marathon de 42 km, il paraît que le trentième est toujours très difficile et qu'après, ça va tout seul. Et bien ça doit être ça : j'en suis au trentième !!! J'espère qu'il va pas être trop long ce kilomètre........


J'ai repris mon souffle quelques jours. Allez, maintenant je prends une grande inspiration, je ferme les yeux et je fonce pour la dernière ligne droite !